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Un jour comme les autres

  • jlsarrato1
  • 8 févr. 2023
  • 4 min de lecture

Dernière mise à jour : 6 mars 2023

C'est une journée semblable aux autres.

Par les jours des volets clos, la vie entre à petits pas.

Premiers rayons de soleil, moteurs qui grognent sous ses fenêtres et s'éloignent.

Elle ne dort pas. Elle ne dort plus. Elle n'est même pas sûre d'avoir dormi. Peut-être a-t-elle seulement, un instant fermé les yeux, à peine sommeillé. Au milieu de l'ennui, la pensée se fait songe et les rêves s'enfuient.

La douleur aujourd'hui s'est nichée dans l'aine. Hier, c'était l'épaule et demain... À quatre-vingt-six ans, le mal est bienvenu, il est signe que l'on est vivant !

Elle attend qu'il soit huit heures pour se lever. Huit heures précisément. Elle attend que le curé sonne : les cloches de l'église au loin, c'est son réveil-matin.

Elle appuie sur le bouton de la cafetière qu'elle a préparée la veille.

Du temps que le café coule, elle va se laver.

Elle donne un coup d'éponge sur le lavabo puis va prendre son petit-déjeuner.

Elle lave sa tasse qu'elle laisse s'égoutter puis va s'habiller.

Elle fait son lit puis va essuyer sa tasse.

Elle range sa tasse puis va s'asseoir dans son fauteuil... C'est l'heure des mots fléchés.

Une heure, ou deux, ou trois... C'est sa matinée.

Elle attend qu'il soit midi pour se faire chauffer un plat cuisiné. Blanquette de veau ou pâtes au saumon, cela n'a guère d'importance, il y a longtemps que ses repas solitaires ont la même saveur.

Et puis, c'est la télé devant laquelle elle somnole.

En vérité, elle attend.

Elle attend que commence l'émission de Sophie Davant.

Son fils pense qu'elle aime cette émission alors, chez lui, il la regarde aussi. Il attend qu'elle se termine pour appeler sa mère : il ne veut pas la déranger.

Elle se moque de Sophie Davant et de son émission. Mais c'est juste après que son fils l'appelle. Alors elle la regarde et attend qu'elle se termine.

Il est si court ce coup de téléphone. Elle voudrait le prolonger mais qu'y a-t-il à se dire, à raconter ?

Ce que j'ai fait ? J'ai fait mes mots et j'ai mangé. Le maître de midi a perdu et j'ai regardé « Affaires conclues ». Mais tout ça, tu le sais mon fils. A dire le vrai je n'ai rien fait. Rien d'autre qu'attendre ton appel. Entendre une voix, la tienne. Parler à quelqu'un, toi. Oui, au revoir. A demain, mon fils. Je t'aime.

Il a déjà raccroché.

Elle pose son téléphone qui ne sonnera plus jusqu'à demain.

Sa bouche s'est refermée.

Il est trop tôt pour fermer les volets. Trop tôt pour mettre sa soupe à chauffer. Trop tôt pour aller se coucher.

Alors, elle attend que se termine cette journée semblable aux autres.

Elle attend.C'est une journée semblable aux autres.

Par les jours des volets clos, la vie entre à petits pas.

Premiers rayons de soleil, moteurs qui grognent sous ses fenêtres et s'éloignent.

Elle ne dort pas. Elle ne dort plus. Elle n'est même pas sûre d'avoir dormi. Peut-être a-t-elle seulement, un instant fermé les yeux, à peine sommeillé. Au milieu de l'ennui, la pensée se fait songe et les rêves s'enfuient.

La douleur aujourd'hui s'est nichée dans l'aine. Hier, c'était l'épaule et demain... À quatre-vingt-six ans, le mal est bienvenu, il est signe que l'on est vivant !

Elle attend qu'il soit huit heures pour se lever. Huit heures précisément. Elle attend que le curé sonne : les cloches de l'église au loin, c'est son réveil-matin.

Elle appuie sur le bouton de la cafetière qu'elle a préparée la veille.

Du temps que le café coule, elle va se laver.

Elle donne un coup d'éponge sur le lavabo puis va prendre son petit-déjeuner.

Elle lave sa tasse qu'elle laisse s'égoutter puis va s'habiller.

Elle fait son lit puis va essuyer sa tasse.

Elle range sa tasse puis va s'asseoir dans son fauteuil... C'est l'heure des mots fléchés.

Une heure, ou deux, ou trois... C'est sa matinée.

Elle attend qu'il soit midi pour se faire chauffer un plat cuisiné. Blanquette de veau ou pâtes au saumon, cela n'a guère d'importance, il y a longtemps que ses repas solitaires ont la même saveur.

Et puis, c'est la télé devant laquelle elle somnole.

En vérité, elle attend.

Elle attend que commence l'émission de Sophie Davant.

Son fils pense qu'elle aime cette émission alors, chez lui, il la regarde aussi. Il attend qu'elle se termine pour appeler sa mère : il ne veut pas la déranger.

Elle se moque de Sophie Davant et de son émission. Mais c'est juste après que son fils l'appelle. Alors elle la regarde et attend qu'elle se termine.

Il est si court ce coup de téléphone. Elle voudrait le prolonger mais qu'y a-t-il à se dire, à raconter ?

Ce que j'ai fait ? J'ai fait mes mots et j'ai mangé. Le maître de midi a perdu et j'ai regardé « Affaires conclues ». Mais tout ça, tu le sais mon fils. A dire le vrai je n'ai rien fait. Rien d'autre qu'attendre ton appel. Entendre une voix, la tienne. Parler à quelqu'un, toi. Oui, au revoir. A demain, mon fils. Je t'aime.

Il a déjà raccroché.

Elle pose son téléphone qui ne sonnera plus jusqu'à demain.

Sa bouche s'est refermée.

Il est trop tôt pour fermer les volets. Trop tôt pour mettre sa soupe à chauffer. Trop tôt pour aller se coucher.

Alors, elle attend que se termine cette journée semblable aux autres.

Elle attend.

Jean-Louis Sarrato

 
 
 

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